Les matières radioactives
L’uranium naturel extrait de la mine
L’uranium se présente à l’état naturel sous la forme d’un métal gris très dense. Il est composé de trois isotopes radioactifs : l’uranium 238 (99,3 %), l’uranium 235 (0,7 %, seul isotope naturel fissile) et l’uranium 234 (traces). L’uranium est extrait de mines. En France, les mines d’uranium ont été exploitées jusqu’en 2001. Aujourd’hui, l’approvisionnement de l’uranium naturel extrait de la mine se fait exclusivement à l’international.
Il est ensuite traité et mis sous la forme d’un concentré solide d’uranium puis conditionné. En fonction du procédé de traitement utilisé, les concentrés peuvent être sous forme d’uranates, appelés yellow cake, ou d’oxydes d’uranium (U3O8). Les concentrés d’uranium sont transformés en tétrafluorure d’uranium (UF4) puis en hexafluorure d’uranium (UF6), gazeux à basse température : c’est l’étape de conversion de l’uranium.
C’est sous cette forme que l’uranium naturel est utilisé dans l’étape d’enrichissement en vue de fabriquer le combustible nucléaire.
L’uranium naturel enrichi
L’enrichissement consiste à augmenter la concentration en uranium 235 (isotope énergétique trop faiblement présent — teneur de 0,7 % — dans l’uranium naturel extrait de la mine) de façon à obtenir une matière utilisable comme combustible dans les réacteurs électronucléaires à eau sous pression.
Le procédé d’enrichissement mis en oeuvre dans l’usine Georges-Besse II d’Orano sur le site de Tricastin depuis 2011 est celui de la centrifugation. Le gaz UF6 est introduit dans le cylindre tournant à très haute vitesse, sous vide, dans un carter étanche. Les molécules les plus lourdes, sous l’effet de la force centrifuge, sont envoyées à la périphérie du tube tandis que les plus légères uranium 235 migrent vers le centre. Le gaz enrichi en isotope léger uranium 235, au centre du tube, monte. Le gaz enrichi en uranium 238, plus lourd, descend. Les produits enrichis et appauvris sont récupérés aux deux extrémités, haute et basse, du tube. Cette étape élémentaire de séparation des molécules est répétée au sein d’un ensemble de centrifugeuses mises en série, appelé cascades.
L’uranium enrichi utilisé pour la production d’électricité comprend de l’uranium 235 à une teneur d’environ 4 %.
Après enrichissement, l’uranium qui se trouve sous la forme gazeuse UF6 est converti en dioxyde d’uranium (UO2) puis compacté sous forme de pastilles utilisées dans la fabrication des combustibles.
L’uranium appauvri (Uapp)
L’enrichissement permet d’obtenir de l’uranium enrichi en uranium 235 d’une part et de l’uranium appauvri d’autre part. L’uranium appauvri en uranium 235 (isotope présent avec une teneur de l’ordre de 0,3 %) est transformé en une matière solide, stable, incombustible, insoluble et non corrosive : l’oxyde d’uranium (U3O8), qui se présente sous la forme d’une poudre noire.
L’uranium appauvri est utilisé régulièrement depuis plusieurs années comme matrice support du combustible MOX, élaboré en France dans l’usine Melox située à Marcoule. Ce flux représente environ une centaine de tonnes par an.
Valorisation de l'uranium appauvri
Le stock d’uranium appauvri actuellement présent sur le territoire national représente, une fois ré-enrichi, un gisement d’environ 65 000 tonnes d’uranium naturel, soit environ huit années des besoins du parc électronucléaire français actuel.
Le ré-enrichissement peut être pratiqué pour une utilisation comme combustible à base dʼuranium naturel enrichi (UNE). L’uranium appauvri, en particulier celui issu d’un second cycle d’enrichissement, pourrait permettre de répondre à plus long terme aux besoins du parc mondial de réacteurs à neutrons rapides.
L’uranium appauvri présente, outre son potentiel énergétique, des propriétés dont certaines ont déjà été exploitées dans des secteurs nonélectronucléaires (batteries, catalyseurs thermoélectriques, stockage thermochimique réversible de chaleur). La valorisation de l’uranium par l’exploitation de ces propriétés fait l’objet d’un programme de R&D mené par Orano.
Ces perspectives de valorisation présentent toutefois des incertitudes selon l’ASN. Une étude de faisabilité d’un concept de stockage pour l’uranium appauvri est menée par l’Andra pour le cas où tout ou partie du stock en uranium appauvri ne serait pas valorisable dans des conditions technico-économiques acceptables. L’uranium appauvri est employé dans des industries non électronucléaires en guise de blindage radiologique ou de contrepoids.
L’uranium issu du retraitement des combustibles usés (URT)
L’uranium extrait des combustibles usés (URT) dans les usines de retraitement constitue environ 95 % de la masse du combustible usé et contient toujours une part significative d’isotope 235. L’enrichissement résiduel en uranium 235 est de l’ordre de 0,7 % à 0,8 % pour des combustibles REP avec des taux de combustion de 45 à 55 GWj/t. L’URT est entreposé sous forme d’U3O8.
Pour être réutilisé dans des réacteurs à eau sous pression, tels que ceux exploités actuellement par EDF, un enrichissement est nécessaire.
L’uranium enrichi issu du retraitement des combustibles usés
L’uranium issu du retraitement des combustibles usés (URT) contient encore une part d’isotope 235 malgré une composition isotopique plus complexe que l’uranium naturel due notamment à la présence d’uranium 234 et 236. Il peut donc par la suite être enrichi. La présence d’uranium 236, absorbant neutronique agissant comme un poison à la fission nucléaire, impose d’enrichir à des teneurs supérieures à celles nécessaires pour l’uranium naturel, de manière à compenser la perte de réactivité. L’uranium enrichi issu du retraitement des combustibles usés peut être utilisé pour fabriquer du combustible à base d’uranium de retraitement enrichi (URE). Comme pour l’uranium naturel, la centrifugation est utilisable pour enrichir l’uranium issu du retraitement des combustibles usés.
L’approvisionnement en assemblages de combustible à l’uranium de retraitement enrichi pour les réacteurs EDF étant pour le moment interrompu dans l’attente d’une filière industrielle optimisée, aucun stock d’uranium enrichi issu du retraitement des combustibles usés n’est disponible en France.
Le thorium
Le thorium se présente sous la forme d’hydroxyde de thorium ou de nitrate de thorium. Dans le cadre de ses activités de traitement de minerai de terres rares, la société Solvay a produit :
- entre 1970 et 1987, un composé issu du traitement en voie chlorure de la monazite : l’hydroxyde brut de thorium (HBTh), éventuellement valorisable ;
- jusqu’en 1994, du nitrate de thorium, issu du traitement en voie nitrate de la monazite.
Exemple d'utilisation de matières thorifères par Orano MED
Orano Med est la filiale médicale d’Orano. Créée en 2009, elle concentre ses activités sur le développement de nouvelles thérapies ciblées de lutte contre le cancer, via l’utilisation du plomb 212.
Le plomb 212 est un isotope rare issu de la chaîne de décroissance du thorium 232. Cet élément, émetteur de rayonnement alpha, est aujourd’hui au coeur de projets de recherche en médecine nucléaire pour la mise au point de nouveaux traitements contre le cancer.
Orano Med a développé un procédé permettant l’extraction du plomb 212, qui est aujourd’hui mis en oeuvre dans le laboratoire Maurice-Tubiana. Le champ thérapeutique dans lequel intervient Orano Med est appelé alphathérapie, ou radio-immunothérapie alpha lorsque le plomb 212 est associé à l’utilisation d’un anticorps permettant de reconnaître et de détruire les cellules cancéreuses, en limitant l’impact sur les cellules saines environnantes. Des essais cliniques et précliniques ont été initiés respectivement aux États-Unis et en France.
L’alphathérapie est connue depuis plusieurs années, mais le développement des traitements s’est heurté à la rareté des isotopes émetteurs alpha, et aux difficultés techniques de production et de purification de ces isotopes pour des usages médicaux. Orano disposant d’une source de nitrate de thorium principalement constitué de thorium 232, Orano Med en conduit la valorisation pour assurer une production du plomb 212 compatible avec les besoins de développement de nouveaux traitements sur le long terme.
L’ASN considère que cette utilisation de plomb 212 ne modifie toutefois pas les quantités détenues de substances thorifères ni leur radiotoxicité. Une étude de faisabilité d’un concept de stockage pour substances thorifères est menée par l’Andra vis-à-vis du stock existant.
Les matières en suspension (MES)
Les matières en suspension issues du traitement de neutralisation des effluents chimiques produits sur l’usine de Solvay contiennent en moyenne 25 % d’oxydes de terres rares qui sont des sous-produits valorisables.
Valorisation des matières en suspension et de l’hydroxyde brut de thorium
La valorisation de ces matières porte sur leur contenu en terres rares, en thorium et en uranium.
Les terres rares sont utilisées dans de nombreux produits de consommation courante comme les écrans plats, certaines batteries, fibres ou verres optiques, etc. Environ 10 000 tonnes d’oxydes de terres rares sont récupérables à partir du traitement des matières en suspension (MES) et de l’hydroxyde brut de thorium (HBTh). Le thorium pourrait être valorisable dans des applications nucléaires dans un « cycle thorium. » De même, des pistes sont envisagées pour valoriser le thorium dans des secteurs non électronucléaires.
Ces perspectives de valorisation présentent toutefois des incertitudes, qui ont conduit l’ASN à considérer, dans son avis du 9 février 2016, que la sécurisation du financement de la gestion à long terme des substances thorifères est indispensable.
Les combustibles nucléaires
Plusieurs types de combustibles nucléaires sont ou ont été utilisés en France.
Les combustibles à l’uranium naturel enrichi (UNE) sont composés de crayons combustibles contenant des pastilles d’UO2 eux-mêmes regroupés en assemblages combustibles. Il s’agit des combustibles utilisés majoritairement par EDF.
Les combustibles à l’uranium de retraitement enrichi (URE) sont composés d’uranium enrichi issu du retraitement des combustibles usés. Ces combustibles sont autorisés dans quatre réacteurs électronucléaires.
Les combustibles mixte uranium-plutonium (MOX) sont composés d’uranium appauvri et de plutonium provenant du retraitement des combustibles usés UNE sous forme de pastilles de poudre d’oxydes (U, Pu)O2. Les combustibles MOX sont fabriqués à l’usine de Melox à Marcoule et sont autorisés aujourd’hui dans 24 réacteurs REP.
Les combustibles des réacteurs à neutrons rapides Phénix et Superphénix (RNR) à base d’oxyde mixte d’uranium et de plutonium qui ont été mis à l’arrêt définitif et ne sont donc plus utilisés.
Les combustibles du CEA civil sont utilisés dans des réacteurs particuliers à des fins de recherche. Ils peuvent également servir à la production de radioéléments pour la médecine nucléaire et l’industrie non-électronucléaire. Ceux-ci sont plus variés en termes de forme et de composition physico-chimique que les combustibles EDF, ils sont aussi beaucoup moins nombreux. Il peut s’agir de combustibles de type oxyde, métallique, hydrure, etc.
Les combustibles de la défense nationale utilisés soit dans les réacteurs destinés à la fabrication de matière pour la force de dissuasion, soit dans les réacteurs embarqués des sous-marins, des navires et leurs prototypes à terre.
Pour l’ensemble de ces combustibles, il existe à tout moment des stocks de combustibles avant utilisation, en cours d’utilisation ou usés.
Les combustibles neufs sont transportés dans des emballages adaptés, par voie routière ou ferroviaire, de l’usine de fabrication de combustible vers les centres nucléaires de production. Dès leur arrivée sur site, ils sont entreposés dans le bâtiment combustible en attente de mise en réacteur.
Les combustibles en cours d’utilisation dans les réacteurs électronucléaires y séjournent pendant trois à quatre ans. Puis, du fait de leur baisse de performances, ils sont retirés et entreposés dans une piscine de refroidissement à proximité du réacteur avant d’être dirigés vers l’usine de retraitement de La Hague dans laquelle les combustibles à l’uranium naturel enrichi sont retraités.
À noter que la qualification en tant que matière radioactive d’une substance peut être la conséquence d’une décision de l’État (c’est par exemple le cas des combustibles usés de manière générique) ou d’une décision de son propriétaire. Dans ce dernier cas, l’autorité de contrôle peut s’opposer à cette qualification et demander un classement en tant que déchet radioactif.
La stratégie nationale actuelle consiste à retraiter les combustibles UNE usés.
Le plutonium issu des combustibles usés après retraitement
Le plutonium contenu dans les assemblages combustibles usés UNE est extrait de ceux-ci lors de leur retraitement. Un combustible usé à l’uranium de type eau légère contient environ 1 % de plutonium (en masse). Ce plutonium présente un potentiel énergétique.
Une fois mis en solution, extrait et séparé des autres matières contenues dans le combustible usé, le plutonium est purifié et conditionné sous forme stable de poudre d’oxyde de plutonium (PuO2) dans les ateliers R4 et T4 de l’usine de La Hague.
Le plutonium est aujourd’hui utilisé pour fabriquer le combustible MOX.
Le plutonium extrait des combustibles usés appartient aux clients d’Orano, électriciens français ou étrangers. En général, le plutonium est expédié aux clients étrangers sous forme de combustible MOX, pour être utilisé dans leurs réacteurs.
Les rebuts de combustibles
Les rebuts de combustibles non irradiés en attente de retraitement ont vocation à être retraités et recyclés à terme dans les réacteurs électronucléaires..
Autres matières
Le cœur neuf de Superphénix est le combustible qui devait remplacer à terme le combustible utilisé pendant le fonctionnement de la centrale. En raison de l’arrêt définitif de Superphénix, cette recharge de combustible n’a jamais été utilisée et n’a donc pas été irradiée.